LE TEMPS DES CAVALIERS

 

 

 

Il faudra mille ans à l’homme pour oser monter le cheval qu’il avait péniblement domestiqué, un millénaire supplémentaire pour le monter efficacement, et plusieurs autres millénaires pour inventer l’équitation telle qu’elle se pratique de nos jours.

 

 

 

Les premières tentatives, de la monte « à cru » sur la croupe, à la monte « à cru » en arrière du garrot :

 

 

Ø      Les premières figurations de chevaux montés sont babyloniennes, et datent de 2 000 ans avant notre ère. Mais il ne s’agit encore que d’exemples isolés, avec un équipement extrêmement rudimentaire, qui laisse supposer une technique encore hésitante, d’utilité forcément limitée : on monte « à cru », sur la croupe, comme cela se pratique encore aujourd’hui avec les ânes au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

 

 

            

 

 

Ø      Apparue on ne sait ni où ni comment, la monte en arrière du garrot se généralise progressivement. Mais la notion de cavalerie, utilisable en tant que tel dans les batailles, ne s’imposera qu’au début de l’âge du fer, au VIIème siècle avant notre ère, probablement chez les Hittites.

 

ü      De là, elle connaît une diffusion rapide et très large, vers l’Egypte et l’Afrique du Nord des Garamantes d’une part, vers l’Asie centrale des Scythes et des Sarmates, et vers le monde grec d’autre part.

 

ü      Cette diffusion marque l’entrée dans une ère des cavaliers liée principalement à l’émergence d’une civilisation des steppes fondée sur le pastoralisme nomade, auquel l’équitation permit d’acquérir une efficacité nouvelle.

 

 

Ø      L’équitation d’alors reste cependant, et pour longtemps encore, très éloignée de l’équitation telle que nous la connaissons aujourd’hui. En effet, à part le mors et les rênes inventés bien avant l’attelage, il n’y eut ni selle, ni étriers durant toute l’Antiquité. Grecs et Romains, pour ne parler que d’eux, conquirent et dominèrent, durant plusieurs siècles, une bonne partie de l’Ancien Monde, de l’Atlantique à l’Indus, à cru ou avec un simple tapis...

 

 

 

 

Quelques inventions bien utiles : la selle, l’étrier, les étriers puis le mors…

 

 

Ø      D’abord faîtes d’un assemblage de coussins, comme à Pazyryk, dans l’Altaï oriental, au Vème siècle avant notre ère, puis avec un arçon en bois, la selle apparaît en plusieurs points d’Asie centrale, de Chine et d’Inde peu avant le début de l’ère chrétienne.

 

 

 

 

ü      Selle en bois et cuir, avec pommeau en tête de cheval, ayant appartenu à un chef Sioux.

 

 

ü        Arçon de selle maghrébine de la fin du XIXème siècle. Les quatre pièces en bois qui le composent (pommeau, troussequin…) ont été recouvertes d’une enveloppe de cuir vert, qui, en séchant, s’est rétracté, assurant ainsi la solidité de l’assemblage

 

ü        Selle d’amazone française, à trois fourches, vers 1840. La cavalière tient en selle en calant ses cuisses dans les fourches, et avec l’étrier gauche unique. L’action de la jambe droite est remplacée par celle d’une cravache ou stick.

 

 

ü        Selle afghane en bois, à décor de marqueterie, datant du XIXème siècle.

 

 

ü        Arçon de selle française de cavalerie légère, datant de la fin du XIXème siècle.

 

 

Ø      Elle semble avoir été suivie de peu par l’étrier, d’abord unique, servant d’un simple marchepied disposé du côté du montoir comme en Inde, puis par paire, pour assurer l’équilibre du cavalier, comme à Kushân à la fin du Ier siècle de notre ère.

 

 

 

 

ü        Étrier cruciforme, San Salvador, datant du XVIIème siècle. La conquête de l’Amérique fut aussi une évangélisation...

 

ü        Étrier colombien, en chausson, datant du XIXème siècle.

 

 

ü        Étrier de femmes du Pérou, en chausson, datant du XIXème siècle.

ü        Étrier du Paraguay, datant de la fin du XIXème siècle.

 

 

 

ü        Étrier français, à secret, datant de la fin du XIXème siècle.

 

 

ü        Mors vétérinaire creux, à entonnoir pour médicaments.

 

Ø      Selle à arçons et étriers atteignent l’Extrême-Orient au Vème siècle, puis Byzance et la Perse à la fin du VIème siècle, où les arabes les découvrent un siècle plus tard. De là, ils gagnent l’Europe occidentale dans la première moitié du VIIIème siècle.

 

Ø      Imposés aux gens d’armes par Charles Martel et ses fils, ils contribuent pour une part fondamentale au perfectionnement des techniques de combat à cheval et, par conséquent, à l’affermissement du pouvoir de ceux qui en étaient les dépositaires : les chevaliers et les seigneurs féodaux.

 

Ø      A la différence de certains peuples, comme les Mongols, les Arabes et, à partir du VIIème siècle, les Espagnols, qui pratiquent une équitation à la jineta (venue des Berbères zénètes), légère, avec les étriers chaussés courts, les Occidentaux montent avec les étriers longs, la jambe en avant et les fesses enfoncées à toutes les allures.

 

 

 

 

L’évolution de l’utilisation de la cavalerie : de la cavalerie lourde à la légère :

 

 

Ø      Ces variations dans les techniques de monte s’expliquent en grande partie par les divers usages qui sont faits de la cavalerie : usages civils (voyages, commerce, poste) et militaires (déplacement de troupes, transmissions des ordres, charges...).

 

Ø      En temps de guerre, la cavalerie a constitué, au début du premier millénaire avant notre ère, une arme déterminante. Toute l’histoire de l’équitation militaire est marquée par l’opposition de deux conceptions différentes de la cavalerie et de sa fonction tactique dans les batailles :

 

ü      La cavalerie lourde destinée à enfoncer les lignes ennemies par le choc frontal d’une charge au galop à fond,

 

ü      La cavalerie légère procédant par une succession de courtes charges de harcèlements et par la poursuite de l’ennemi en déroute.

 

Ø      Peu de temps après avoir démontré sa supériorité  sur les charges de rupture de la charrerie, la cavalerie légère de Crassus, dont l’idée avait été empruntée par les Romains aux Numides d’Afrique du nord, se voit infliger se première grande défaite, en 55 avant notre ère, par les cavaliers et les chevaux lourdement caparaçonnés des Parthes.

 

Ø      Tandis qu’en Europe médiévale, champs de bataille et lices des tournois résonnent du choc des armures des chevaliers, l’Orient musulman perfectionne l’art de la cavalerie légère et de la tactique du harcèlement.

 

Ø      Malgré de sévères affrontements entre les deux conceptions, à l’Ouest avec la conquête musulmane de l’Espagne au VIIIème siècle et à l’Est avec les croisades du Xème au XIIIème siècle, il faut attendre les guerres d’Italie, entre 1494 et 1559, pour voir la cavalerie légère l’emporter durablement sur la lourde, avant que le XIXème siècle n’instaure leur complémentarité, avec l’utilisation parallèle et différenciée des hussards légers et lourds cuirassiers.